Curiosités, merveilles, mémoire et sciences naturelles
Certains objets qui illustrent la mémoire de la terre et du vivant sont aussi des objets d'art. Si les collections des musées d'histoire naturelle en sont un bel exemple, Catherine Thomas-Antérion, neurologue et membre du Conseil scientifique de l'Observatoire B2V des Mémoires en explore davantage.


Catherine
Thomas-Antérion
A la Renaissance, le regard sur le monde devint plus scientifique et il apparut cette curieuse accumulation d’objets qu’est le Cabinet de curiosités : meubles et parfois pièces entières où étaient entassées des tas de choses. Leur objectif premier était de faire découvrir le monde y compris lointain, dans le temps et l’espace. Ce grand capharnaüm réunissait des objets de science naturelle : le végétal (les herbiers), l’animal (cornes, coquillages ou bêtes empaillés), le minéral dans lequel, les fossiles tiennent une grande place et illustrent la conservation de la mémoire de la terre.

Les cabinets abritaient aussi des objets fabriqués par l’homme, des outils de science et des objets ethnographiques. On y trouvait encore des chimères (des fake-things ou des œuvres d’imagination). Leur représentation dans la peinture du XVIIème offre un témoignage de ce qu’a pu être une tentative de mémoriser le vivant dans le temps (fossile) et l’espace (plante exotique).
Le cabinet de curiosités s’est appelé aussi cabinet des merveilles ce qui montre l’intérêt qu’il a pu avoir quant à la recherche du rare ou du bel objet. Ne parle-t-on pas parfois des merveilles créées par dame Nature : oiseaux aux plumes bariolées ou coquillages à la nacre immaculée ?
Il était avant tout l’ancêtre des musées d’histoire naturelle appelant les scientifiques à observer, décrire, classifier, écrire l’histoire (la mémoire) du vivant.
On peut citer Lamarck (1744-1829) qui résume bien qu’un même objet est parfois objet d’art et objet de connaissance :
« Les coquilles sont devenues un objet de commerce, et un sujet de spéculation pour les négociants voyageurs ; le prix extrêmement élevé par les amateurs, de celles qui sont très-rares, soit par leur espèce, soit dans leur volume et la vivacité de leurs couleurs, y ayant donné lieu. En cela, les naturalistes y ont beaucoup gagné ; car ils en ont eu l'occasion d'en observer un grand nombre, dont, sans cette cause, ils eussent probablement ignoré l'existence ».
Ce télescopage s’observe dans les musées et la présentation des collections dont la Grande galerie de l’évolution ou le Musée des confluences à Lyon sont des exemples contemporains protypiques.

Il existe aussi des Musées qui ont clairement affiché la volonté d’inviter des artistes à regarder le monde des sciences naturelles et on peut citer (et inviter à visiter) le Musée Promenade de Digne les bains (04). Digne est une zone très riche en fossiles, où l’on a trouvé notamment « La Dalle aux ammonites » qui sur 320 m2 concentre 1550 fossiles dont un grand nombre ont plus de 70 cm de diamètre.
Mais surtout Digne fait partie du GEOPARC de Haute Provence, premier Géoparc crée par l’Unesco en 2000. La charte des Géoparcs a pour vocation de valoriser les richesses culturelles, naturelles, immatérielles et l’ouverture à l’art contemporain d’un lieu répondant à tous ces critères.
Ces lieux nous invitent à réfléchir à ce que la mémoire de la terre nous transmet et à comment la protéger de la destruction (l’amnésie) tel un trésor de l’humanité. Il faut rappeler le Traité de Dignes établi le 13 juin 1991 qui inscrivit dans le marbre : La déclaration internationale des droits de la Mémoire de la Terre. Nous rappelons le point 6 :
« Comme un vieil arbre garde la mémoire de sa croissance et de sa vie dans son tronc, la terre conserve la mémoire du passé, une mémoire inscrite dans les profondeurs et sur la surface, dans les roches, les fossiles et les paysages, une mémoire qui peut être lue et traduite ».

Ainsi les fossiles exceptionnels extraits de la terre et présentés tels des sculptures sont de beaux objets mais nous parlent aussi du temps géologique, qui stratifie la mémoire de la terre en périodes plus ou moins lointaines. La mémoire humaine permet de conserver et d’étudier la mémoire de la terre : infiniment petit et infiniment grand !
Notes
Aller plus loin


