Points de vue d'experts

Des jardins pour soigner l’esprit

Des jardins thérapeutiques fleurissent dans les hôpitaux, destinés à des patients de tous âges et toutes pathologies… A l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris, depuis 20 ans, des enfants autistes viennent travailler au potager. Tout en prenant soin des plantes aromatiques et des tomates, ils s’apaisent, gagnent confiance en eux, prennent plaisir à apprendre… Le Pr David Cohen, qui dirige le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, évoque ce que cet atelier d’hortithérapie ou « thérapie par le jardin » apporte aux jeunes qu’il soigne, tant sur le plan de leur développement que de leur mémoire.

Publié le 17.05.2021
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David
Cohen

Professeur et directeur du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière
Quel est le principe de l’hortithérapie, depuis quand existe-t-elle en France ?
Le premier jardin thérapeutique en France a été créé en 1997 dans une des unités de jour du service de psychiatrie que je dirige actuellement. L’idée de proposer un atelier de jardinage aux jeunes patients est née d'une rencontre entre le Pr Michel Basquin et Anne Ribes, alors infirmière et passionnée de jardins. La perspective de ce projet était à la fois éducative et d'apprentissage de la vie, à travers une activité qui puisse se faire à plusieurs, au contact de la nature.
Qu’est-ce que le fait de jardiner apporte aux enfants autistes ?
Il y a un esthétisme dans le jardin et une fragilité qui le rend précieux. Les enfants atteints d’autisme ou de troubles psychotiques ont une sensibilité exacerbée. Les ateliers de jardinage leur procurent des émotions communicatives, les valorisent et leur donnent confiance en l’avenir.

En outre, le jardin apporte aussi un bien-être pour le personnel soignant et la famille, avec un effet apaisant qui se ressent dans toutes les relations. Les activités de jardinage apportent aux enfants qui sont en grande difficulté de développement et à leurs familles, la possibilité de partager un projet et de le voir grandir. Il y a une temporalité très spécifique, depuis la graine jusqu’à la plante, qui nous permet en tant que soignants de faire passer un certain nombre de messages aux enfants, comme de leur montrer que nous sommes là pour prendre du temps avec eux, qu’ils sont comme cette plante fragile, et qu’ils peuvent donc progresser. C’est très important, parce que les enfants que nous recevons éprouvent souvent des sentiments de rejet du monde des adultes et de fragilité dans leur façon d’être et leur estime d’eux-mêmes.
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Y a-t-il des effets en particulier sur la mémoire de ces enfants ?
La pratique du jardinage permet à l’enfant de se sentir utile en prenant soin d’une plante et donner sens à ses journées, de cultiver la concentration et la patience au rythme de la croissance des plantes. Jardiner stimule tous les sens, développe la créativité et le sens de l’observation et permet de retrouver le plaisir d’apprendre. La mémoire s’enrichit de ces sensations, qui sortent l’enfant du milieu médicalisé et l’ouvrent au monde, au même titre que d’autres pratiques de « médiation », qui utilisent les arts plastiques, la musique, les activités avec des animaux, etc. Mémoire sensorielle riche, concentration et mémoire de travail, mémoire des gestes à accomplir, souvenirs personnels qui s’inscrivent au gré des saisons et mémoire sociale autour d’expériences partagées… Toutes les mémoires sont stimulées et participent ainsi à la construction de l’enfant ou du jeune, accompagné par l’équipe et par sa famille.

Cette initiative est devenue une association : Jardins & Santé