Points de vue d'experts

Rêves, mémoire… et résolution de problèmes ?

Les rêves nous aident-ils à résoudre des problèmes ? Pourquoi certaines personnes se souviennent-elles mieux de leurs rêves que d’autres ? L'équipe de Perrine Ruby, chargée de recherche Inserm, au sein du centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm, CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1) a étudié l'activité cérébrale de différents rêveurs afin de tenter de lever le voile sur certaines de ces questions.

Publié le 13.07.2021
rêves
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Perrine-Ruby

Perrine
Ruby

Chargée de recherche Inserm
Sait-on combien de rêves nous faisons par nuit ?
On se souvient plus de ses rêves en fin de nuit, mais des rêves peuvent survenir à tout moment de la nuit, en sommeil paradoxal comme en sommeil lent. Il est difficile de savoir combien de rêves nous faisons par nuit car il n’existe toujours pas à ce jour d’indicateur neurophysiologique ou de comportement qui permette de savoir si un dormeur est en train de rêver.
Quels facteurs expliquent qu’on soit un « grand » ou un « petit » rêveur ?
Les « grands rêveurs » ont plus de souvenirs de rêve que les « petits rêveurs ». Est-ce dû à des différences de mémoire : à court-terme, long-terme, auditive ou visuelle ? Aucune différence n’a pu être mise en évidence. En revanche, les « grands rêveurs » ont des éveils au cours de la nuit légèrement plus longs que les « petits rêveurs », liés à une plus grande sensibilité à l’environnement, ce qui leur donne plus d’opportunités de mémorisation des rêves. En effet le cerveau endormi n’est pas capable de mémoriser une nouvelle information en mémoire, il a besoin de se réveiller pour cela. C’est pourquoi, les psychotropes, diminuant les éveils nocturnes, ont tendance à diminuer les souvenirs de rêves.
Sait-on si les grands rêveurs produisent plus de rêves ?
On sait que les « grands rêveurs » ont plus d’opportunité (les éveils nocturnes) pour se souvenir de leurs rêves, mais nous ne sommes pas en mesure actuellement de savoir si les « grands rêveurs » produisent plus de rêves que les « petits rêveurs ». C’est possible, car des zones de leur cerveau sont plus actives que chez les « petits rêveurs » pendant la nuit, mais dans l’état actuel des connaissances on ne peut pas savoir si cette activité favorise juste le rappel des rêves, ou leur rappel et leur production.
Les grands rêveurs sont-ils plus facilement distraits la journée par des stimuli extérieurs ?
Les « grands rêveurs » et les « petits rêveurs » ont un fonctionnement cérébral et des traits de personnalité différents (les « grands rêveurs » ont une activité cérébrale spontanée plus importante dans la jonction temporo-pariétale et le cortex préfrontal médian, et sont plus ouverts à l’expérience et plus créatifs). Une des caractéristiques des « grands rêveurs » est d’avoir un cerveau plus distractible, mais leurs performances ne sont affectées (légèrement) que dans des tâches très difficiles.
Les rêves peuvent-ils nous aider à trouver des solutions à certains problèmes ?
Oui, on a toutes les raisons de le penser. Une caractéristique du rêve est l’expression de nos émotions par des métaphores. Le cerveau endormi n’étant plus sous le contrôle exécutif du cortex frontal, il fonctionne selon un mode de pensée associatif et émotionnel. Le rêve peut ainsi nous apporter une nouvelle perspective sur un problème, une expérience donnée, en s’affranchissant des contraintes de pensée et des risques de la vie éveillée. L’alternance entre ces deux modes de fonctionnement du cerveau (rêve/éveil) est idéale pour optimiser l’adaptation à notre environnement.

Le rêve retraitant surtout des informations de notre mémoire épisodique et émotionnelle, on peut penser que le potentiel de solution du rêve est plus orienté vers la sphère de la cognition sociale, à savoir nos relations à nous-mêmes ou aux autres. Effectivement, nous avons montré que le rêve joue un rôle de régulation des émotions, ce qui lui confère une valeur adaptative très importante.
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Un rêve inspirant dans l’histoire des sciences

Friedrich August Kekulé a résolu la question de la structure chimique apparemment impossible du benzène (C6H6) en rêvant d'un groupe de serpents avalant leur queue : la structure du benzène n’était pas linéaire comme celle des autres molécules, mais circulaire…

En savoir plus

« Mémoire, rêves et cauchemars »
« De quoi les Français ont-ils rêvé pendant le confinement ? », Elena Sender, Sciences et Avenir, 16.06.2020
Un livre à paraître :
Rêver pendant le confinement, Perrine Ruby, à paraître en septembre 2021 chez EDP Sciences.