Mémoire, sommeil et apprentissage : 3 questions à Robert Jaffard
Nous passerions environ un tiers de notre vie à dormir. Si certains estiment que c’est une perte de temps, une bonne nuit de sommeil est au contraire vitale pour bien des aspects de notre vie, mais particulièrement pour notre mémoire et notre capacité de mémorisation et d’apprentissage. Robert Jaffard, neurobiologiste spécialisé dans l’étude de la mémoire et membre du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires, nous éclaire sur le lien étroit et fondamental entre la mémoire, le sommeil et l'apprentissage.


Robert
Jaffard
A l'inverse, différentes interventions qui ont en commun d'amplifier les ondes lentes et/ou de provoquer une hyper-activation de l'hippocampe au cours du sommeil profond facilitent cette consolidation. Par ailleurs, des études épidémiologiques conduites chez des adolescents montrent une relation entre le manque (ou la dette cumulée) de sommeil – en deçà des 9 h par nuit recommandées – et la détérioration des performances académiques et des fonctions cognitives. Les recherches menées sur des patients âgés et/ou Alzheimer révèlent quant à elles un lien très étroit entre l'insuffisance qualitative et quantitative de leur sommeil et le déclin de leur mémoire.
Cependant, si chez les enfants et les adolescents de nombreuses interventions sont possibles pour accroître une durée de sommeil qui ne cesse de se détériorer, le problème est différent chez les personnes âgées où troubles du sommeil et neuro-dégénérescence avec perte de plasticité cérébrale se renforcent mutuellement, créant un "cercle vicieux" difficile à rompre.
Depuis 2004, de nombreuses expériences ont démontré que, comparé à l'éveil, le sommeil augmente fortement la probabilité d'accéder - au réveil - à la solution (insight) de différents problèmes (mathématiques, jeux vidéo, anagrammes et autres épreuves de créativité) ce qui, dans la plupart des cas, est attribué à l'abondance de sommeil profond mesuré. Pourtant, il a été récemment rapporté qu'une seule minute de stade hypnagogique (endormissement), riche en images mentales (voir Kékulé), suffisait pour quasiment tripler la probabilité d'un insight mathématique.
On doit cependant remarquer que, dans de multiples circonstances autres que l'insight, le sommeil (notamment profond) reste essentiel pour restructurer notre mémoire (du passé) afin de la rendre plus efficiente dans le futur. Par exemple, une nuit de sommeil nous permet de "découvrir" les causes (explicites) d'un comportement appris et exprimé jusqu'alors de façon automatique (implicite), aptitude pour laquelle les enfants "surclassent" largement les adultes grâce à une plus grande abondance de leur sommeil profond. En outre, le sommeil augmente nos capacités d'inférence (de déduction), améliore notre mémoire prospective (mémoire des "choses à faire") et, plus important encore, facilite l'intégration de nos acquis récents à nos connaissances préexistantes (assimilation).
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