Impact de la pandémie de Covid-19 sur le déclin cognitif des seniors
Durant la pandémie de Covid-19, les mesures d’isolement et de confinement ont bouleversé nos modes de vies et nos habitudes. Comment les seniors ont-ils traversé cette période ? Hélène Amieva, épidémiologiste et membre du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires, travaille avec une cohorte de personnes âgées de 80 ans et plus dans la région de Bordeaux. Elle relate les résultats de deux études sur le ressenti moral des personnes âgées pendant le 1er confinement et leur éventuel déclin cognitif 3 mois après.


Hélène
Amieva
En utilisant une échelle d’anxiété, on observait une légère augmentation – normale dans cette situation - mais sans flambée. Et aux questions évaluant la dépression, la majorité des réponses (60-70%) données étaient négatives : « non, je ne me sens pas plus triste, ni plus déprimé, ni plus seul que d’habitude ».
Nos résultats concordaient avec ceux des publications internationales, qui montraient des taux d’anxiété et dépression moins élevés chez les sujets âgés que chez les jeunes.
Ce vécu non catastrophique ne s’expliquait pas par une déconnexion de l’information et des médias, car les personnes étaient bien informées et appréciaient suffisamment la gravité de la situation. En revanche, elles ont mis en place très rapidement des stratégies d’adaptation (« coping ») pour faire face et s’occuper au quotidien et prenaient du recul, expliquant « Vous savez, on a l’habitude, on en a vu d’autres, on s’inquiète surtout pour les jeunes ».
Nous avons procédé à une deuxième vague d’entretiens téléphoniques 3 mois après le premier confinement, en utilisant un test (le TICS), conçu pour permettre une évaluation cognitive par téléphone. Nous avons extrait 11 items parfaitement identiques entre ce test et les tests réalisés précédemment en « présentiel » et modélisé l’évolution au cours du temps des capacités cognitives.
Le déclin cognitif, qui était très lent et progressif en absence de pathologie, montrait une cassure spectaculaire, avec une chute de près de 2 points sur 11 (- 18%) avec la pandémie. Ainsi, les mois passants, la restriction des interactions sociales et des activités a entrainé une diminution de la stimulation cognitive et un déclin cognitif.
Ce déclin sera-t-il réversible ? Pour le savoir, nous avons répété ces tests un an après et allons analyser les résultats. Trois scénarii sont possibles : le déclin peut soit continuer, soit s’arrêter sans que le niveau cognitif antérieur soit retrouvé ou, dans le meilleur des cas, se corriger avec la reprise d’une vie quasi-normale.
Précisons que nos résultats correspondent à une moyenne. Bien sûr, la population âgée est hétérogène et les personnes déjà en souffrance, anxieuses, déprimées ont probablement très mal vécu cette période, de même que les personnes qui avaient des troubles cognitifs ou un début de démence ont décliné beaucoup plus.
Les mairies, qui ont recensé les personnes âgées vivant seules, pourraient les appeler, comme cela a été fait dans certaines villes. Par ailleurs, dans notre échantillon de personnes très âgées (87 ans en moyenne), quasiment 30% avait eu recours à une technologie numérique, smartphone ou autre. Il ne s’agissait pas seulement de personnes de haut niveau d’études et toutes ont dit à quel point ça avait constitué un soutien, en permettant de maintenir un lien social. Cette crise a montré que les personnes âgées ont, pour la plupart, les moyens cognitifs pour s’approprier les nouvelles technologies - avec de l’aide pour ne pas être bloquées par de petits incidents techniques - et qu’elles le font lorsqu’elles en voient l’utilité.
Nous pourrions mettre les bouchées doubles sur la démocratisation de ces outils simples de communication, mener des campagnes de sensibilisation et de formation, y compris à domicile chez les plus isolés. Cela permettrait en outre d’augmenter l’estime de soi de nos aînés, se voyant compétents pour utiliser les technologies actuelles et contribuerait à changer notre regard sur eux.
Pour en savoir plus
Helene Amieva et al.,
Older People Facing the Crisis of COVID-19: Between Fragility and Resilience
J Frailty Aging 2021;10(2):184-186.
Longitudinal Study of Cognitive Decline before and after the COVID-19 Pandemic: Evidence from the PA-COVID Survey.
Dement Geriatr Cogn Disord 2022 Feb 16;1-7. doi: 10.1159/000521999.
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