L'impact de l'alimentation sur la mémoire

Il existe un lien étroit entre l’alimentation, le fonctionnement cérébral et la mémoire.

Publié le 20.09.2017
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Guillaume Ferreira

Interview de
Guillaume
Ferreira

Directeur de recherche nutrition et cerveau à l’INRA à Bordeaux

Une bonne alimentation à l’adolescence est très importante pour notre mémoire

L’alimentation a-t-il un impact sur notre mémoire ?
Il existe un lien étroit entre l’alimentation, le fonctionnement cérébral et la mémoire.
Certains apports nutritionnels notamment l’oméga 3 et les polyphénols participent au bon fonctionnement cérébral et ainsi favorisent nos capacités de mémoire. A l’inverse, les aliments riches en graisses saturées et en sucres (aliments obésogènes) perturbent certaines capacités de mémoire dès le plus jeune âge et représenteraient un risque important dans le développement de la maladie d’Alzheimer.
Y a-t-il des périodes plus vulnérables aux effets de l’alimentation que d’autres ?
En imagerie fonctionnelle, l’évolution et la maturation du cerveau s’observent de l’âge de 5 ans à l’âge de 20 ans. Or les adolescents, en particulier, sont de grands consommateurs de sucres et graisses. Des tests de mémoire chez des pré-adolescents ont montré que les performances en mémoire relationnelle (se rappeler d’une image en relation avec un paysage de fond) étaient meilleures chez ceux qui consomment le plus d’oméga 3 et les moins bonnes chez ceux qui consommaient beaucoup de lipides saturés. Une bonne alimentation à l’adolescence est très importante pour préserver sa mémoire. Les rongeurs confirment cette théorie, leur mémoire spatiale est perturbée s’ils sont exposés à un régime hyperlipidique (« gras ») durant l’adolescence mais pas s’ils l’ont reçu à l’âge adulte. Cette atteinte est liée à une inflammation accrue au niveau de l’hippocampe chez les sujets jeunes.
Qu’en est-il de la mémoire émotionnelle, liée à une autre structure cérébrale, l’amygdale ?
Chez des souris, on teste la mémoire du dégoût en leur donnant à boire un liquide odorant, qui provoque un malaise gastrique. Si les animaux sont exposés à un régime obésogène lors de l’adolescence, l’aversion observée à long-terme vis à vis de cette odeur n’est pas perturbée mais au contraire exacerbée ! Il en va de même pour la mémoire de peur, qui est nettement accentuée chez ces sujets. Ces réactions « d’aversion » sont donc plus intenses chez les sujets adolescents ayant consommé un régime obésogène que chez ceux ayant consommé un régime normal. Cette modification ne s’observe pas chez les souris soumises au même régime hyperlipidique à l’âge adulte.

Ainsi, l’obésité induite à l’adolescence a un impact double sur la mémoire: elle dégrade les fonctions liées à l’hippocampe, structure primordiale de la mémoire (souvenirs personnels, concepts, mémoire relationnelle et spatiale) et exacerbe les fonctions amygdaliennes, liées aux émotions d’aversion. L’adolescence est donc une période de vie critique vis à vis des effets cognitifs et émotionnels de régimes obésogènes. L’obésité juvénile peut donc avoir des effets considérables et encore méconnus du grand public sur les fonctions cognitives et émotionnelles des jeunes.