L’importance des sens et de la communication dans nos apprentissages à l’heure du numérique

Le numérique a transformé nos interactions avec notre environnement : comment cela impacte-t-il nos apprentissages et l’enseignement ?

Publié le 08.04.2019
apprentissage numérique

Ainsi, par exemple, mémorisons-nous de la même façon ce que nous lisons sur écran ou sur papier ? Cette question a trouvé sa réponse tout récemment : ne jetons pas nos livres tout de suite ! Une étude franco-norvégienne publiée en 2019 a montré chez 50 jeunes de 24 ans que le contenu lu sur support papier est mieux mémorisé, par exemple l’ordre de déroulement des événements décrits. En ce qui concerne la compréhension des textes, si elle ne diffère pas selon les supports pour des textes de nature narrative, elle est en revanche meilleure sur papier pour les textes documentaires, plus complexes et abstraits. C’est ce qui ressort d’une compilation des résultats de 54 études sur près de 170 .000 lecteurs. L’habitude de l’utilisation d’outils numériques n’étant pas en cause dans cette différence, c’est une expérience sensorielle et motrice plus riche, liée au fait de compulser un document imprimé, qui est déterminante. Dans le même ordre d’idées, prendre des notes avec un crayon lors d’un cours ou d’une conférence permettrait de mieux retenir les informations, comme cela avait été montré en 2014 par deux chercheurs américains1. Selon ces auteurs, la prise de note manuscrite oblige à opérer un tri et une synthèse, favorables à l’appropriation des concepts.

Avec le développement de cours en ligne et de MOOCs2on peut se demander si l’enseignement à distance est aussi efficace que l’apprentissage en « présentiel » ? Même si des outils se développent pour restituer des éléments de la présence réelle, les interactions ne sollicitent pas tous nos sens. Cela a-t-il une influence ? Sachant que nos souvenirs se gravent en fonction du contexte de lieu, de temps, de notre ressenti et de notre comportement, on comprend que les conditions d’un apprentissage influencent notre mémorisation. Parmi elles, le facteur relationnel est capital. Ainsi, le succès d’un apprentissage sont les interactions avec l’enseignant ou avec ses pairs, de même qu’un état émotionnel de réceptivité. Pour un professeur, prendre quelques minutes avant le début du cours pour discuter de façon informelle avec certains, notamment ceux qui ont le plus de mal à se concentrer augmente leur capacité à se focaliser sur le contenu du cours. Des interactions demeurent possibles avec le numérique, mais avec un langage non verbal appauvri et, pour le professeur, une perception limitée de la compréhension de ses élèves. Les modalités d’enseignement « réelles » et « virtuelles » sont donc appelées à être utilisées de manière complémentaire.

Au-delà de la question des outils numériques, les neurosciences « affectives » se basant sur de nombreuses études réalisées depuis une quinzaine d’années en Europe, au Canada et au Japon, appellent à reconsidérer nos méthodes éducatives en prenant plus en compte l’importance des compétences sociales et émotionnelles dans l’enseignement3.

Certaines expériences sensorielles permettent d’améliorer la mémorisation : verbaliser, faire des fiches colorées, marcher, choisir son environnement favori d’apprentissage : apprenons en 3D... et avec des amis !

Notes

Pam A. Mueller and Daniel M. The Pen Is Mightier Than the Keyboard: Advantages of Longhand Over Laptop Note Taking. Oppenheimer Psychological Science published online 23 April 2014 DOI: 10.1177/0956797614524581
MOOC (Massive Online Open Course) : Cours en ligne ouvert à tous
Dr Catherine Guegen, Heureux d’apprendre à l’école. Comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation. Les Arènes/Robert Laffont, 2018.