Maladie d’Alzheimer : quelles perspectives de traitement ? 

La maladie d’Alzheimer représente un enjeu majeur de santé publique. Malgré cela il reste très compliqué de trouver un traitement. Où en est la recherche ? Quelles sont les perspectives pour l'avenir ? Réponses avec Le Dr Mai Panchal, Directrice scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer.

Publié le 28.01.2020
perspective
Image
Dr Mai Panchal

Dr Maï
Panchal

Directrice scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer
Quels sont les mécanismes en cause dans la maladie d’Alzheimer ?
La maladie d’Alzheimer se caractérise par deux types de lésions cérébrales : des dépôts amyloïdes et des dégénérescences neurofibrillaires. Les premières sont constituées par l’accumulation de protéine bêta-amyloïde à l’extérieur des neurones. Les deuxièmes résultent de l’accumulation à l’intérieur des neurones de protéine tau modifiée. De plus, une réaction inflammatoire dans le cerveau semble intervenir assez tôt dans le processus de la maladie. Les fonctions métaboliques et de neurotransmission sont également touchées. Plusieurs traitements combinés seront donc probablement nécessaires pour enrayer la maladie.
Quelles sont les pistes de traitement ?
Les premiers essais menés dans les années 90 visaient à « vacciner » contre la maladie. Pour cela, on injectait à des patients atteints de maladie d’Alzheimer la protéine bêta-amyloïde afin d’activer la production d’anticorps par leur organisme. Cette approche utilisant la protéine entière a été abandonnée car elle entraînait de graves effets secondaires (1). La plupart des essais cliniques actuels reposent sur la vaccination « passive » (on injecte des anticorps contre les protéines bêta-amyloïde ou tau) et sur la conception de molécules chimiques.
Pourquoi est-ce si difficile de trouver un traitement ?
Une première difficulté, majeure, tient au fait qu’on ne sait pas quelle(s) forme(s) de la protéine bêta-amyloïde est(sont) toxique(s). En effet, l’agrégation de cette protéine se fait par de multiples formes intermédiaires jusqu’aux plaques amyloïdes. Celles-ci constituent la dernière étape, mais ne sont probablement pas toxiques. Des travaux menés par l’équipe du Dr. Dhenain financés par la Fondation Vaincre Alzheimer visent à déterminer quelles sont les formes toxiques pour les neurones (2). Il est vraiment capital de mieux connaître les causes neurologiques et biologiques de la maladie, pour mieux orienter les essais cliniques.

Une autre difficulté est de disposer d’anticorps capables de traverser aisément la barrière entre le sang et le cerveau (barrière hémato-encéphalique).
Quels progrès ont été réalisés ces dernières années ?
Les méthodes de diagnostic ont beaucoup progressé. C’est très important, car l’imprécision des diagnostics explique en partie les échecs des essais cliniques précédents : jusqu’à 30% des personnes incluses dans les premiers essais ne souffraient pas d’une maladie d’Alzheimer mais d’une autre pathologie entrainant des symptômes proches. A présent, le diagnostic peut être établi de façon certaine avec le dosage des protéines bêta-amyloïde et tau par ponction lombaire. De plus, il est important de pouvoir poser un diagnostic précoce afin d’intervenir bien en amont dans le développement de la maladie. En effet, les lésions cérébrales se forment dans le cerveau une quinzaine, voire une vingtaine d’années avant que les symptômes ne se déclarent. Des essais sont conduits dans les formes familiales héréditaires rares, qui se développent vers l’âge de 30-40 ans, où un diagnostic est posé.
Quelles sont les perspectives pour l’avenir ?
En octobre 2019, le laboratoire pharmaceutique Biogen a annoncé vouloir soumettre une demande d’autorisation de mise sur le marché pour son anticorps anti-protéine bêta-amyloïde, auprès des autorités de santé américaines (FDA) dès 2020. S’il était approuvé, ce traitement, l’aducanumab, deviendrait le premier capable de freiner l’évolution de la maladie d’Alzheimer (3). C’est en effet le premier essai qui montre une association entre une amélioration des marqueurs biologiques de la maladie et un ralentissement du déclin de la cognition et de l’autonomie. Ces résultats sont très encourageants, mais il faut continuer à soutenir la recherche biomédicale afin de mettre au point plusieurs traitements efficaces.

J’ajouterai que dans cette maladie, la prévention est essentielle et elle a démontré son efficacité : améliorer son hygiène de vie, prévenir les risques cardiovasculaires a déjà permis de diminuer la fréquence de la maladie d’Alzheimer dans une même classe d’âge par rapport aux années 90. De plus, notre réserve cognitive permet à notre cerveau de « compenser » d’éventuelles lésions. Cette réserve se construit dès le plus jeune âge, en multipliant les apprentissages, le sport, les rencontres…

Maï Panchal, docteure en sciences de l’université de Paris 6, est spécialiste en neurosciences. Depuis 2012, elle est la coordinatrice scientifique européenne auprès de la Fondation Vaincre l’Alzheimer, dont l’objectif est de financer la recherche publique française et d’informer le public sur la maladie de l’Alzheimer.

Pour en savoir plus

Base de données des essais de traitements actuellement ou précédemment testés pour la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées au niveau mondial.
AlzJunior : le premier site d'information sur la maladie d'Alzheimer à destination des enfants de 6 à 12 ans !
Alzheimer en vidéo

Des ouvrages à consulter

Francis Eustache, Alzheimer : fatalité ou espoir ?, Inserm, Le Muscadier
Francis Eustache et coll, Troubles de la Mémoire : prévenir, accompagner, Le Pommier, 2015.

Notes

Orgogozo JM, Gilman S, Dartigues JF, Laurent B, Puel M, Kirby LC, et al. Subacute meningoencephalitis in a subset of patients with AD after Aβ42 immunization. Neurology. 2003;61:46–54.
https://www.vaincrealzheimer.org/projets-retenus-en-2018/
Cette annonce a provoqué la surprise, car les deux essais cliniques évaluant ce médicament avaient été abandonnés en Mars 2019, sur la base de résultats intermédiaires : des données supplémentaires ont permis de mettre en évidence le fait que le médicament n’était actif qu’aux fortes doses et après 18 mois minimum de traitement, chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer à un stade léger. Pour plus d’information : https://www.youtube.com/watch?v=UWZ3kif59AU&t=35s