Mémoire humaine et intelligence artificielle : liaisons dangereuses ?
Aujourd’hui, le grand programme européen Human Brain Project cherche à reproduire le fonctionnement du cerveau, et les interfaces cerveau-machine font de plus en plus parler d’elles. Peut-on augmenter la mémoire humaine grâce aux machines ? Où est la limite entre la science et la science-fiction ? Jean-Gabriel Ganascia, spécialiste de l'intelligence artificielle, ex-Président du comité d'éthique du CNRS, président du comité d’orientation du CHEC (Cycle des Hautes Études de la Culture) et membre du Conseil Scientifique de l’Observatoire B2V des mémoires, fait le point pour nous sur les liens entre cerveau humain et machines et sur les risques qu’ils peuvent représenter.


Jean-Gabriel
Ganascia
Si cela était possible, en mémorisant des connaissances sans effort, nous ne nous les approprierions plus et elles resteraient lettres mortes dans nos esprits. Enfin, et surtout, les industriels maîtrisant ces technologies implanteraient ce qu’ils voudraient en nous, à notre insu ! Dès lors, ils acquerraient un pouvoir plus considérable sur nous qu’aucun dictateur n’a jamais eu dans le passé…
Sur le plan conceptuel, envisager une conscience séparée d’un corps soulève un grand nombre de questions d’ordre éthique et existentiel. Ainsi, au-delà de la question de l’immortalité, serait-on le « même » sans son corps ? Quelle expérience du monde ferions-nous ? Que signifie être un homme ou une femme si l’on n’a pas de corps ? Est-ce que les genres subsisteraient ?
Dans le domaine médical, l’intelligence artificielle pourrait intervenir dans l’aide au diagnostic. La machine indiquerait ce qui, parmi les signes présentés par le patient, conduirait à poser un diagnostic donné. Le médecin pourrait alors arbitrer selon son propre jugement clinique et selon qu’il aurait été ou non convaincu par les « arguments » de la machine. La décision finale reviendrait toujours à une personne humaine, qui engagerait sa responsabilité. Une dérive possible proviendrait des assurances sociales qui pourraient en venir à pénaliser des choix non conformes à ceux des machines, s’ils s’avéraient erronés, ce qui, à terme, conduirait à une déresponsabilisation des médecins.
Plus que d’introduire des réglementations qui s’imposent au-delà des lois, il importe de réfléchir ensemble pour savoir si le cadre législatif actuel encadre suffisamment les développements de l’intelligence artificielle. Cela implique que chaque citoyen se sente concerné, à commencer par les collégiens et lycéens qui doivent comprendre les enjeux posés par ces techniques et former leur esprit critique.
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