Le saviez-vous ?

Quel est le point commun entre mémoire, cinéma et Noël ?

La magie de Noël évoque toujours de bons souvenirs. La neurologue Catherine Thomas-Antérion a étudié les mécanismes de la mémoire collective à travers la culture populaire et le film "Le père Noël est une ordure".

Publié le 09.12.2020
Père Noël est une ordure

Si l’on cherche dans notre mémoire collective ce qui peut illustrer les fêtes de Noël, en dehors bien entendu de la fête religieuse et de ses représentations, nous allons pouvoir égrener des éléments communs : le sapin, le chocolat, les cadeaux etc. 

Le film Le père Noël est une ordure va aussi rassembler beaucoup de réponses. Nous l’avons tous vu ! Nous sommes même nombreux à l’avoir vu plus d’une fois ! La mémoire collective a la caractéristique d’être partagée par un groupe. Il s’agit d’un film culte de Jean-Marie Poiré, difficile à tourner et qui lors de sa sortie connut un succès mitigé mais qui au fil des rediffusions télévisuelles s’est invité dans nos maisons, au moment de Noël ! 

Saviez-vous que le titre était jugé si provoquant que la RATP refusa les affiches du film dans le métro ? Le film a été auparavant une pièce de théâtre écrite en 3 mois et jouée au Splendid, café théâtre crée par 4 amis d’enfance : Michel Blanc, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et Christian Clavier.

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    © DR

     

     

    Accéder à des savoirs sur le film nous permet d’expérimenter que le fait d’avoir vu plusieurs fois le film a permis de consolider solidement ces souvenirs grâce à leur répétition. Certains dialogues ont été répétés en dehors même du film (sketches) ce qui a conduit à renforcer encore un peu plus leur apprentissage.

    Ainsi devancer ce que va dire un acteur ou savoir ce qui va arriver comme scène dans le scénario, nous place dans l’anticipation du futur et participe à notre plaisir de revoir le film. Parfois nous allons aussi pouvoir récupérer un souvenir personnel vivace et nous rappeler un jour, une année particulière et avec qui nous avons ri devant l’écran : il s’agit d’une situation où l’on comprend les enchevêtrements entre la mémoire sémantique et la mémoire épisodique (ici biographique).

    Mémoriser ou se rappeler ne sont pas toujours des activités solitaires ! Un film culte comme Le père Noël est une ordure illustre combien les interactions d’un groupe peuvent influencer le souvenir. Lorsqu’on se remémore les dialogues savoureux et franchement décalés, à plusieurs, on éprouve ce qu’est la reconstruction dynamique de la mémoire collective.

    L’influence sociale sur la mémoire individuelle est d’autant plus positive que les informations sont utiles1. Voir un film est-il utile ? Rire et rire ensemble (contagion émotionnelle), se rappeler et se remémorer ensemble les dialogues et les postures des acteurs ont oui surement une utilité majeure pour nos groupes. L’humour est un élément important de la cognition sociale et de lien entre les individus et du reste dans certaines maladies, les patients « ne comprenant plus ou pas l’humour » peuvent avoir de vraies difficultés d’adaptation sociale.  

    La mémoire collective nous permet de partager un socle commun et nous fédère. La culture populaire en fait partie ! Ainsi cette année 2020, pendant le premier confinement, les films de Louis de Funès ont rassemblé plus de 50 millions de téléspectateurs avec en tête de classement La Folie des grandeurs (5,3 millions) ! Certes, nous avions besoin de rire ! Mais rire en anticipant ce qui allait nous faire rire (projection dans le futur) puisque nous connaissions le film, était rassurant et en quelque sorte était un paratonnerre contre les informations contradictoires sur un virus inconnu, source de grande incertitude. On peut rapprocher cela de l’enfant sollicitant qu’on lui raconte toujours la même histoire… ou regardant en boucle le même film d’animation dont il connaît la fin (ça finit bien) !  

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    Père Noël est une ordure

     

    Nous vous proposons un petit quiz afin de voir quels sont vos souvenirs du film. Le nombre de bonnes réponses vous permettra  de définir votre profil :

    • entre 9 et 11 bonnes réponses : statut GUIRLANDE LUMINEUSE
    • entre 6 et 8 : statut SUCRE D’ORGE
    • entre 3 et 5 : statut PAS DE BÛCHE CETTE ANNÉE
    • entre 0-2 : SEANCE DE RATTRAPAGE OBLIGATOIRE !

      Quiz

      1. Qui a écrit la pièce puis le film ?
      2. En quelle année le film a-t-il été tourné ?
      3. Quel est le nom du personnage qu’incarne Marie-Anne Chazel ?
      4. Un des personnages du film n’existait pas dans la pièce de théâtre ? Lequel ?
      5. Comment se prénomme le personnage incarné par Thierry Lhermitte ?
      6. Que pense Thierry Lhermitte recevoir de la part de Thérèse pour Noël ?
      7. A quelle fonction, Thierry Lhermitte promet-il d’attribuer l’usage du cadeau de Thérèse ?
      8. Quel est la phrase fétiche dans le film de Thierry Lhermitte ?
      9. Comment s’appelle le dessert roulé sous les aisselles apporté généreusement par Monsieur Preskovitch et la présumée bûche malodorante ?
      10. Comment s’appelle le Père Noël, fiancé peu engageant de Marie-Anne Chazel ?
      11. Christian Clavier incarne un travesti à la voix haut perchée et vêtu d’une veste de léopard : quel est son prénom ?

      Réponses

      1. Jugnot, Lhermitte et Balasko. La pièce a été écrite en seulement trois mois, par Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et Josiane Balasko ! Elle aurait été inspirée par le film d’Ettore Scola : Affreux, sales et méchants (1976).
      2. 1982. La pièce a été jouée en 1979 pour 200 représentations et le film tourné en 1982.
      3. Josette/Zézette. Le personnage de Josette (Zézette) qui s’exprime avec un affreux chuintement a été crée par Thierry Lhermitte.
      4. Madame Musquin. L’inoubliable Madame Musquin coincée dans l’ascenseur a permis à Josiane Balasko d’être dans le film ! Lors de l’écriture de la pièce, elle s’était attribuée le rôle de Thérèse, finalement joué pour des raisons d’agenda par Anémone. Le personnage a donc été rajouté pour qu’elle figure dans l’histoire qu’elle a largement contribué à mettre en scène.
      5. Pierre. Pierre (Thierry Lhermitte) reçoit un pull qu’il identifie comme une serpillière qui lui sera utile pour descendre les poubelles.
      6. Une serpillière
      7. Utile pour descendre les poubelles
      8. C’est ç’là oui ! « C’est ç’là oui ! » est la phrase fétiche de Pierre. Elle est attribuée à Pierre Mortez, un agent de la troupe. Oh non, écoutez Thérèse ! Rien que d'avoir pensé que c'était Noël, c'est déjà formidable !" est l’un des dialogues les plus connus du film.
      9. Les doubitchous et le kloug aux marrons. Les doubitchous de Sofia de Monsieur Preskovitch sont immangeables et le kloug aux marrons s’avère être une buche dégageant une odeur nauséabonde. 
      10. Félix. Le père Noël est le fiancé de Zézette, personnage peu recommandable et peu engageant qui frappe allègrement sa compagne ce qui ajoute au décalé de l’histoire irrévérencieuse et incarne un humour français devenu une référence, proche de celui de Fluide glacial. Jean-Marc Reiser avait du reste, dessiné l’affiche du théâtre.
      11. Katia. Katia, travesti dépressif et sans gêne s’incrustant dans le local SOS Détresse Amitié devient la victime de Félix qui lui tire une balle dans le pied. Bien sûr la catastrophe majeure demeure le meurtre accidentel du réparateur d’ascenseur tué par Zézette puis découpé en morceaux par Félix, morceaux distribués emballés comme des cadeaux de Noël aux animaux du zoo. Les critiques ont souvent boudé le film et le fait qu’il perpétue la tradition du Grand Guignol –patrimoine culturel et mémoire collective- nous semble pour notre part une des explications de la sympathie qu’il inspire toujours après 38 ans, au public.

       

      © DR (affiche du film "Le Père Noël est une ordure !")

      Notes

      Jaffard R. "Apprentissage social, traditions et culture" dans "Ma mémoire et les autres" de F. Eustache, Paris, Le Pommier, 2017.