Robert Jaffard
Professeur associé à l’université de Bordeaux. Neurobiologiste, Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d’Aquitaine (INCIA, UMR CNRS 5284)


Interview de
Robert
Jaffard
Parcours
Après des études de chimie et de physiologie, Robert Jaffard est recruté comme enseignant-chercheur dans le Laboratoire de Psychophysiologie de l’Université de Bordeaux 1, où il soutient une thèse de Doctorat d’Etat en 1978.
En 1988, il prend la direction du Laboratoire de Neurosciences Cognitives (CNRS), dont les recherches sont centrées sur les bases neurales de la mémoire normale et pathologique étudiées sur différents modèles animaux. Robert Jaffard a été membre du Comité National de la Recherche Scientifique (1999-2004).
De 2007 à 2015, Il a été professeur associé à l’Université Laval (Québec).
Travaux
Robert Jaffard est neurobiologiste, spécialisé dans l’étude de la mémoire. L’objectif de ses travaux est de comprendre les mécanismes cérébraux qui, de la molécule à la cellule et aux réseaux neuronaux, permettent l’émergence de la mémoire, qu’il mesure par des tests comportementaux. Dans ses premiers travaux, il s’intéresse à une région du cerveau, l’hippocampe, dont on connaît le rôle capital dans le fonctionnement de la mémoire humaine et à un neuromédiateur cérébral, l’acétylcholine, dont la quantité diminue fortement dans la maladie d’Alzheimer.
Pour l’essentiel, ses travaux chez la souris démontrent, alors que l’activité cholinergique varie considérablement – augmente ou diminue – au cours de la mémorisation, ce qui a été récemment confirmé chez l’homme et doit être pris en compte dans les stratégies thérapeutiques actuelles. Avec les membres de son équipe, il a ensuite mis au point un modèle animal de la mémoire déclarative/relationnelle humaine. Sur ce modèle, il a montré les effets délétères du vieillissement, analysé les dysfonctionnements cérébraux associés et étudié les moyens d’y remédier. Il a en particulier montré qu’une supplémentation en vitamine A ou des injections d’acide rétinoïque (dérivé de la vitamine A) supprimaient les effets délétères du vieillissement sur la mémoire en facilitant, via une action sur le génome, la synthèse de protéines qui améliorent la plasticité des synapses de l’hippocampe et de certaines régions corticales.
Parallèlement à ces travaux, il a étudié les mécanismes neurobiologiques de la peur conditionnée qui, dans certaines situations extrêmes, entraîne chez l’homme un « état de stress post-traumatique ». Ses résultats suggèrent que ce syndrome pourrait résulter d’un déséquilibre favorisant l’activité des noyaux amygdaliens au détriment de l’activité de l’hippocampe.
Enfin, en utilisant une technique d’imagerie cérébrale fonctionnelle adaptée à la souris, il a été le premier à montrer qu’avec le temps, les structures cérébrales qui sous-tendent un apprentissage changent : d’abord centrées sur l’hippocampe, elles sont progressivement délocalisées vers le cortex. Cette réorganisation, aussi appelée consolidation lente, permettrait d’expliquer, au moins en partie, qu’au cours du vieillissement notre mémoire des faits récents soit moins bonne que celle des faits anciens.
Je pense qu’il est important que les scientifiques aient connaissance de ce nouvel Observatoire à la fois pour le soutien qu’ils pourraient recevoir et pour les connaissances qu’ils peuvent lui apporter.
Ensuite, pour le grand public, c’est la possibilité d’être tenu informé des progrès réalisés dans les recherches sur la mémoire (neuropsychologie, maladies neurodégénératives, vieillissement, etc.).
C’est un sujet très sociétal. Les gens, quel que soit leur âge, s’intéressent beaucoup à leur mémoire, bien que, dans la majorité des cas, ils en aient une connaissance assez floue.
Par exemple, on ne sait généralement pas que les activités intellectuelles, les contacts sociaux et même l’exercice physique ont des effets très positifs sur le fonctionnement de la mémoire, notamment chez les personnes âgées. Ces activités créent ce que l’on appelle une réserve cérébrale ou cognitive sous-tendue par des mécanismes neurobiologiques que l’on commence à comprendre. Il est maintenant avéré que de telles réserves permettent le maintien de nos activités cognitives et mnésiques à un niveau élevé et une protection contre les effets délétères d’éventuelles maladies neurodégénératives.
Plus largement, l’activité pluridisciplinaire et les missions de l’observatoire dans le domaine de la mémoire individuelle et collective auront des retombées significatives dans de nombreux domaines.
- Des images du passé
- Simulations mentales du futur
- Réflexion
- Information
Parmi ses publications :
Robert Jaffard, "Les formes de la mémoire" dans "L'explosion des formes de vie" sous la direction de Georges Chapouthier et Marie-Christine Maurel, pp. 131-157, ISTE, 2020
Robert Jaffard, "Mémoriser, amplifier, effacer: une mémoire sur mesure", Cerveau & Psycho, 2015
Robert Jaffard, "De l’intérêt de mémoriser", L’essentiel Cerveau & Psycho, 2011
Robert Jaffard, "Les Labyrinthes de la mémoire animale", Science & Vie, 2000
Robert Jaffard, avec la collaboration de Bernard Claverie et Bernard Andrieu, "Cerveau et mémoires : Bergson, Ribot et la neuropsychologie", Osiris, 1998
Robert Jaffard, sous la direction de Nicolas Zavialoff, avec la collaboration de Philippe Brenot, "La Mémoire Tome 2 – Le concept de la mémoire", L’Harmattan, 1989
Robert Jaffard, sous la direction de Nicolas Zavialoff, avec la collaboration de Philippe Brenot, "La Mémoire Tome 1 – Mémoire et cerveau", L’Harmattan, 1989